Dernière mise à jour le 28/10/2022

Le 30 mai 2022, la préfecture de Haute-Savoie a autorisé (arrêté n°DDT-2022-0686) un projet de restructuration du domaine skiable de Rochebrune – Megève. Cette restructuration inclut le remplacement de deux télésièges et deux téléskis par deux télésièges débrayables et un téléski, créant par ailleurs une nouvelle piste de ski et des réseaux de neige au niveau de cette nouvelle piste. Elle va avoir pour effet de détruire 47 espèces protégées évoluant sur le secteur de Rochebrune, ce qui nécessite une dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement. Or cette dérogation porterait atteinte à l’habitat et aux conditions de vie de nombreuses espèces protégées présentes sur le site, spécifiquement l’avifaune et notamment le Tarier des prés.

Conjointement avec l’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE74), un recours gracieux auprès de Monsieur le Préfet de la Haute-Savoie a été déposé le 30 juillet 2022.

Devant l’absence de retrait de l’arrêté litigieux, nous avons décidé avec FNE 74 d’introduire en ce mois d’octobre 2022 un recours en annulation devant le Tribunal administratif de Grenoble assorti d’un recours en référé-suspension pour que ne débutent pas, ou soient stoppés, les travaux qui pourraient détruire les espèces protégées du site de Rochebrune.

Moyens principaux développés dans le recours

Le projet repose sur une étude d’impact insuffisante

L’étude d’impact se fonde sur des projections climatiques datant de 2007 et de 2009 et pointant un impact modéré du réchauffement climatique sur la station de Megève du fait de la présence du massif du Mont-Blanc. Or, les dernières modélisations climatiques, de 2018 à 2022, révèlent pourtant très clairement une perte substantielle d’enneigement à l’horizon 2040-2050 à 1500m d’altitude et des températures négatives de plus en plus rares. L’étude d’impact est donc marquée par une réelle insuffisance, viciant la légalité de l’arrêté dérogatoire de M. le Préfet de Haute-Savoie.

– Le projet ne procède pas d’une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM)

Cette exploitation commerciale renforcée – via les télésièges débrayables notamment – mise sur un impact quasi inexistant du réchauffement climatique sur la localité de Megève, ce qui est évidemment en contradiction avec toutes les publications scientifiques relatives aux conséquences du réchauffement climatique sur les Alpes.

La station de Megève, compte tenu des altitudes de son front de neige (1113 m en bas de station jusqu’à 2014 m à Côte 2000) et singulièrement de celle du secteur de Rochebrune (1754 m maximum), va être exposée à un enneigement significativement plus faible qu’actuellement, entraînant des conflits d’usage de l’eau et connaîtra des températures négatives beaucoup plus rares que durant les années 1980-2005.

En cassation : le Conseil d’Etat casse la décision du TA de Grenoble !

Suite au rejet le 16 novembre 2022 du référé-suspension par la Tribunal de Grenoble pour défaut d’urgence l’état d’avancement des travaux (forêt détruite à 90%) ne permettait plus de caractériser l’urgence, notre association avait introduit un recours en cassation devant le Conseil d’Etat contre l’ordonnance du Tribunal. Le Conseil d’Etat s’est prononcé le 8 avril 2024, et a fait droit à l’argumentaire de BSNP (qui a obtenu l’aide juridictionnelle sur ce dossier) en relevant qu’en « se bornant à relever l’état avancé des travaux, alors que l’argumentation dont il était saisi lui imposait d’examiner si l’impact des travaux restant à effectuer sur les espèces protégées pouvait conduire à regarder la condition d’urgence comme remplie, le juge a commis une erreur de droit« .
Cette décision – qui constitue une avancée jurisprudentielle dans la préservation des espèces protégées – chasse dès lors de possibles tentations de « fait accompli » : tant qu’il reste un habitat ou une espèce protégée à préserver, le juge administratif doit analyser les impacts potentiels des travaux pour caractériser l’urgence. Le Conseil d’Etat casse la décision du TA et renvoie au juge de Grenoble pour une nouvelle audience – date à déterminer – pour rejuger de la suspension éventuelle des travaux.

Où en sommes-nous ?

  • 30 mai 2022 : Publication de l’arrêté préfectoral contesté
  • 30 juillet 2022 : Recours gracieux déposé, resté sans réponse
  • octobre 2022 : Recours en référé-suspension et en annulation déposés
  • 16 novembre 2022 : Rejet du référé-suspension par le Tribunal administratif de Grenoble.
  • Recours en cassation devant le Conseil d’Etat déposé par Biodiversité sous nos pieds.
  • 8 avril 2024 : Décision du Conseil d’Etat qui annule le rejet du Tribunal administratif de Grenoble. Renvoi au TA pour une nouvelle audience.

Etat du dossier : Nouvelle audience pour le référé-suspension – date à déterminer – suite à la décision du Conseil d’Etat du 8 avril 2024. Recours au fond toujours en cours d’instruction.