Pour une préservation renforcée de la Montagne : défendons la biodiversité alpine
Alors que la Haute-Savoie et la Savoie sont en état d’alerte Sécheresse voire d’alerte renforcée comme le Val d’Arly près de Megève et même de crise – niveau maximal – pour des endroits spécifiques et que les plus hauts sommets alpins, des Ecrins au Massif du Mont-Blanc, connaissent des chutes de pierre de plus en plus nombreuses et un recul des glaciers inédit et dramatique, le but de l’association Biodiversité sous nos pieds (BSNP) est plus que jamais d’actualité. La défense de la biodiversité alpine, notamment celle protégée par le droit, est en effet une priorité car ces conditions météorologiques ne sont pas seulement catastrophiques pour les glaciers : elles ont aussi un impact sur la faune et la flore de ces milieux alpins. Ces espèces, dont beaucoup sont protégées par le droit européen et français – elles sont donc dotées d’un statut juridique spécifique – sont très vulnérables au changement climatique évidemment, mais aussi au changement d’affectation des terres, qui va modifier leurs conditions de vie et leurs habitats. C’est pourquoi la destruction et la dégradation de ces espèces ou l’altération de leurs habitats ne peuvent se faire que pour des raisons extrêmement précises et encadrées par le code de l’environnement. Ceci est d’autant plus vrai dans des territoires qui sont reconnus pour leur fragilité et leurs intérêts environnementaux : les parcs nationaux et leur aire d’adhésion que sont les parcs de la Vanoise et des Ecrins.
BSNP a ainsi contesté et obtenu la suspension de plusieurs projets d’aménagement dans les Alpes (voir infra) qui ne respectent pas les dispositions du code de l’environnement et qui ne s’inscrivent pas dans une vision de protection pérenne des écosystèmes alpins.
Nous avons ainsi obtenu devant le tribunal administratif de Grenoble la suspension du remplacement d’un télésiège à Tignes le 6 décembre 2020, dans la réserve du parc national de la Vanoise, pour préserver le papillon Apollon, espèce protégée très vulnérable. Les considérations économiques de ce projet – la jonction plus rapide d’une partie de la station avec d’autres pistes de ski – ne peuvent être mises en balance avec l’intérêt écologique de protection et de pérennisation de cette espèce de lépidoptère emblématique des alpages. L’instruction de cette affaire est encore en cours et un jugement dit « au fond » devrait intervenir fin 2022/ début 2023.
Nous avons également obtenu la suspension, conjointement avec l’association France Nature Environnement Isère (FNE38), d’une carrière d’extraction de gravats située sur la commune des 2 Alpes, dans l’aire d’adhésion du parc national des Ecrins, prononcée par le Tribunal administratif de Grenoble (en octobre 2021) et confirmée par le Conseil d’Etat le 30 décembre 2021, toujours pour protéger le papillon Apollon mais également la couleuvre « coronelle lisse ». Le juge administratif fait notamment droit à notre argument que les matériaux potentiellement extraits dans cette zone n’auraient pas servis exclusivement voire même majoritairement les besoins de la seule population de la vallée de l’Oisan mais avaient en réalité d’autres destinations notamment les besoins de construction des stations de ski de cette vallée. Cette affaire doit également être jugée sur le fond, courant 2023.
Mais il faut comprendre que ces visées économiques d’aménagement touristique de la montagne ne procèdent pas d’une « raison impérative d’intérêt public majeur » pour le juge, première condition devant être remplie pour détruire les espèces protégées selon la justice administrative. C’est d’autant plus vrai à l’heure où l’exploitation commerciale du glacier des 2 Alpes par la SATA (Société d’aménagement touristique de l’Alpe d’Huez, qui exploite aussi le domaine des 2 Alpes) a dû cesser le 10 juillet 2022 – contre le 15 août en 2021 – la canicule du mois de juin et le manque – voire la réelle absence – de neige ne permettant plus la pratique du ski. Nous rappelons que le glacier de Tignes a fermé son accès le 1er juillet – avec un mois d’avance sur sa date de fermeture initiale – et que celui de Pissaillas à Val d’Isère n’a pas ouvert cette année (il devait ouvrir le 10 juillet), faute de neige et en raison de conditions dangereuses. Le réchauffement climatique impose ainsi aux stations de très haute altitude une réelle et substantielle modulation des ouvertures des pistes (voire, très sérieusement, de l’étendue des domaines) et le droit une prise en compte plus importante de la biodiversité. C’est encore plus fondé pour les stations de basse et de moyenne altitudes.
C’est pourquoi nous avons formé, conjointement avec l’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE74), un recours gracieux auprès de Monsieur le Préfet de la Haute-Savoie le 30 juillet 2022. La préfecture de Haute-Savoie a en effet autorisé un projet visant la restructuration du domaine de Rochebrune sur la commune de Megève, afin de remplacer deux télésièges et deux téléskis par deux télésièges débrayables et un téléski, créant par ailleurs une nouvelle piste de ski et des réseaux de neige au niveau de cette nouvelle piste. Nous souhaitons que Monsieur le Préfet de la Haute-Savoie annule son arrêté autorisant la destruction de nombreuses espèces protégées, spécifiquement l’avifaune et notamment le Tarier des prés, espèce très vulnérable, car cette exploitation commerciale renforcée – via les télésièges débrayages notamment – mise sur un impact quasi inexistant du réchauffement climatique sur la localité de Megève, ce qui est évidemment en contradiction avec toutes les publications scientifiques relatives aux conséquences du réchauffement climatique sur les Alpes. La station de Megève, compte tenu des altitudes de son front de neige (1113m en bas de station jusqu’à 2014m à Côte 2000) et singulièrement de celui du secteur de Rochebrune (1754m maximum), va être exposée à un enneigement significativement plus faible qu’actuellement, entrainant des conflits d’usage de l’eau et connaitra des températures négatives beaucoup plus rares que durant les années 1980-2005. À l’évidence, ce projet ne procède pas d’une raison impérative d’intérêt public majeur et les nombreuses espèces protégées présentes sur le site ou subissant potentiellement les conséquences du remplacement des ces télésièges et la création de cette nouvelle piste, ne doivent pas être détruites, car l’avenir ne consiste pas dans l’établissement de projets fondés sur une extension toujours plus forte du tourisme au détriment de la biodiversité la plus menacée, spécialement quand le manque de neige naturelle et l’absence d’eau pour la neige de culture vont se faire sentir chaque année davantage.
Nous ne sommes pas une association procédurière. Nous voulons simplement une gestion plus équilibrée de la montagne et un respect plus important des écosystèmes fragiles alpins via un respect du droit de l’environnement. Celui-ci ne peut être finalement concret que par l’introduction, auprès de la justice, de recours pour le faire respecter. Ces actions ont un coût – frais d’avocats, frais d’avocats de la partie adverse en cas de défaite – réel. Elles sont aussi chronophages car elles demandent une réelle expertise, tant juridique qu’écologique. Nous n’avons pas de fonds publics et dépendons, pour introduire ces recours, que de dons privés de particuliers : soutenez-nous pour que les montagnes alpines conservent une biodiversité exceptionnelle en lien avec un tourisme véritablement raisonné et donc durable.